Elle était la plus rayonnante des femmes mais dans son jeune âge, la douleur avait déjà corrompu sa vie oisive.
Quel destin choisir ? Celui du monde avec ses plaisirs sans pareil ou celui des arts où l'argent sert à quelque chose d'enrichissant et de bon ?
Elle choisit cette voie et s'y tint jusqu'à devenir la dame patronnesse des artistes petits ou grands, élevés ou humbles, fameux et maudits.
Elle devint l'égérie de Paul Valéry et son fils qui la connut bien, a témoigné devant moi quelque temps avant de mourir.
Marie-Laure de Noailles, la mécène, surréelle également mais plus tardivement que la symboliste Martine, l'aide alimentaire et frivole de Luis Bunuel (pardon pour l'accent !), écrivait en 1921 à Hyères où résidait également l'ami de cœur de son égérie Martine, l'aquarelliste Norton, exposé à la galerie Georges Petit à Paris, que sa tante Cécile Murat née à Rocquencourt sous le nom de Ney d'Elchingen (1867 - 1960) aurait reçu une lettre qui la fit hurler de colère ? Martine de Béarn, à l'esprit et à la silhouette bien tournés, très « élégant[s] » écrivit Henri de Régnier autour de 1900, l'avait envoyée se promener à Rome où sa famille avait été si considérée. « Parlez-de moi aux 7 collines ! » écrivit Martine en faisant allusion à Rome qui n'en compte que 4 ? Non, 7, comme à Constantinople la belle, la grande, la porte vers l'Orient dont elle aimait l'or et les strass, le chic, le toc, la verroterie et la classe ? Un peu mais c'est si amusant de collectionner et de partir à la chasse aux antiquités, ne trouvez-vous pas, Laure ? La princesse Murat vivant à l'époque de Martine se mit en fureur et ne plaisanta pas car la comtesse oubliée n'y était pas allée par 4 chemins, c'est vrai. Elle a osé ? Mais ils y mènent tous de toute façon ! Murat fut-elle été si vexée de devoir annoncer Martine à l'écrin naturel d'une ville qu'elle était censée connaître mieux qu'elle ?
Martine avouait avoir une petite difformité, une minuscule bosse à la tête mais on ne trouve rien sur ses portraits. « Je jurerais que j'ai pourtant une petite bosse sur le côté du front, celle de l'esprit sans aucun doute » plaisantait-elle dès ses 13-14 ans ? Elle croisa malheureusement le chemin de Montesquiou qu'on idolâtre maintenant pour sa mise grise, ses gants de beurre frais, sa cravate verdâtre et sa jolie canne-épée qui lui fit faire grise mine après un duel avorté par lui ? Il railla Martine tant qu'il le put, jaloux de ses millions et envieux de ses succès damnés car le cadre de "La Joconde" est resté au musée, dans la cage d'escalier, et n'a pas été volé par un ouvrier italien, jaloux de la bonne fortune échue à François Ier, puis enfui à Florence pour revendre le panneau en peuplier. Le cadre était pourtant le plus parfait que l'on puisse espérer. il est toujours exposé autour de cette icône du monde entier.
Montesquiou ne vit chez Martine, l'amie des artistes, ni l'esprit, ni la bosse fort heureusement, ni son sérieux, ni sa gentillesse, sa noblesse, son amabilité dont témoigne une vraie mélomane en avance sur son temps, Madame de Saint-Marceaux qui ne connaissait rien en revanche à l'accueil, au « mécénat quelqu'il soit » avec ses « pourquoi pas ? Je vous prête l'endroit! » , ainsi qu'au « bibelotage » dans les offices d'antiquités parisiennes, aux chef-d'oeuvres comme les dessins renaissants (« Dürer et Vinci, quels talents !»), ceux de l'excellent XVIIIe siècle et par volumes entiers de dessins griffonés, les tableaux également et le bibelot d'art ("Mélusine et Raymondin", enlacés, tant aimés d'André Breton) par Jean Dampt à plusieurs millions d'euros maintenant, aux oeuvres d'art contemporaines et à la mise en scène ? Montesquiou n'y avait rien compris lui non plus et regardait le théâtre privé, très particulier, comme un décor sans s'intéresser à la scène et à sa machinerie reprenant Wagner et l'améliorant, une œuvre de Fortuny. Le poète sans cœur, sauf pour le seul Verlaine qui le trouvait verbeux, continua à l'agresser sans vergogne comme il le faisait avec Madame Proust, la « carogne », le sale « chameau » à une bosse donc, c'est-à-dire la sale juive ? Oui.
Il y a des yeux qui savent voir - c'était son grand talent, le regard ! - et qui savent lire et reconnaitront la probité, on l'espère pour notre gré. Pardon de reprendre à mon compte une phrase au sujet de l'immense dame des arts qu'elle a été. On savait son humour " particulier " pour elle-même, sans concession, selon les gens du monde qui auraient préféré le dissimuler. Je me suis passionnée pour elle dès que je l'ai rencontrée, en 1996-7. Elle état seule et isolée même en famille, déjà décimée dès son plus jeune âge.
Les autres scientifiques l'avaient méprisée. Une mondaine de plus ? A oublier. Non, à publier ! Un parapluie oublié également, un dôme sombre, non encore doré pour abriter le poète Paul Valéry qui est passé fréquemment chez elle, en chaussons, en redingote, « comme vous voudrez, mais venez ! Mon cher ami », non mon cher amant, « nous allons faire des projets avec ce sale argent » qui tentent tant et attirent les gens ! Copyright 2021-24 L. Stasi